En plein mois de l’histoire des femmes au Canada, nous voulions mettre en lumière les accomplissements d’une femme dont le destin unique a influencé celui de milliers de personnes, et participé à lancer sur sa route le mouvement coopératif dans tout le pays. Dorimène Desjardins, née à Sorel au Québec en 1858, a vécu ses premières années dans les conditions typiques d’une famille de la classe populaire au XIXe siècle. Cinquième enfant d’une fratrie de onze (dont cinq mourront de maladie infantile), elle apprend très vite les réalités d’une vie difficile, qui influenceront sans doute ses choix futurs. Confiée à sa tante, éduquée au couvent Notre-Dame-de-Toutes-Grâces, elle apprend à travers ses études encore très marquées par les rôles sociaux de l’époque, à lire, à compter, et peut-être de façon plus importante encore, à tenir les comptes. Très studieuse, elle atteint dès la fin de ses études un statut respecté, et s’apprête à faire une des rencontres décisives de sa vie.
En effet, elle va faire la connaissance d’un jeune journaliste de 24 ans, un certain Alphonse Desjardins. Le premier septembre 1879, le couple se marie, de leur union naîtra 10 enfants. Gérant les finances de la famille à une époque où les femmes n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte bancaire à leur nom sans la permission de leur mari, la « Ministre des Finances », comme Alphonse la surnomme, ne se contentera pas de cette seule entorse aux mœurs de l’époque. Alors qu’Alphonse, maintenant sténographe au Parlement d’Ottawa, est de moins en moins présent, Dorimène va assumer seule le rôle de cheffe de famille, en plus de celui de trésorière. De plus, le 6 décembre 1900, à Levis, elle devient cofondatrice de la première caisse populaire d’Amérique du Nord, devenue aujourd’hui le plus grand groupe financier coopératif de langue française du continent. Elle ne cessera durant toute sa vie d’apporter un soutien indéfectible à son mari, lorsque d’autres n’en auront pas le courage. Il faut dire que la tâche n’est pas aisée, il n’y a pas de précédent, mais cela ne décourage pas le couple de visionnaires. Elle participera ainsi à ses côtés au processus d’expansion de mouvement Desjardins, dont la fondation de plus de 160 succursales dont une vingtaine en Ontario. Tout cela, sans poste officiel, et sans salaire.
Lorsque son mari commence à être malade, elle n’hésite pas à le représenter, à écrire pour lui et même à devenir son porte-parole auprès des associés et collaborateurs du mouvement. Autant de fonctions peu communes pour une femme au début du XIXe siècle mais dont personne ne s’offense, du moins publiquement, tant Dorimène est efficace à son travail. Ainsi, elle contribuera aux travaux du comité spécial formé par les dirigeants de la Caisse de Lévis pour préciser le projet de fédération et de caisse centrale conçu par son mari. Après la mort d’Alphonse en 1920, Dorimène se fait gardienne du modèle coopératif en coordonnant les efforts de sauvegarde des archives qu’elle arrivera à faire conserver dans l’actuelle Bibliothèque de l’Assemblée nationale de Québec. Elle protègera sans relâche l’héritage commun du mouvement Desjardins. À sa mort en 1932, les hommages sont nombreux, et sa contribution majeure à l’existence des caisses populaires Desjardins est déjà constatée.
Le thème de ce 30e mois de l’histoire des femme étant : « Elle m’a ouvert la voie », difficile d’imaginer figure canadienne plus adéquate à cette idée que Dorimène Desjardins. Véritable précurseure en droit des femmes, elle n’hésita pas à forger elle-même son chemin, envers les conventions encore trop masculines de l’époque. Avec le soutien de son mari, elle prit en main son destin, celui de sa famille, celui de l’organisation, et participa ainsi à créer un précédent là où il n’y avait rien. Un exemple pour de nombreuses femmes qui suivront sa voie tout au long du XXe siècle jusqu’à nos jours.
Nous sommes fiers au CCO de voir que son chemin est toujours suivi par beaucoup. Ainsi depuis 2012, nous avons remis à 9 femmes, en partenariat avec le mouvement Desjardins, le Lauréat d'excellence collective individuel Desjardins reconnaissant la contribution exceptionnelle d’une/d’un entrepreneur.e dans leur coopérative, leur entreprise sociale ou leur communauté. Partout, de plus en plus de femmes accèdent à des postes décisionnels important, aux responsabilités cruciales, en démontrant que ce n’est pas le sexe qui décide de la capacité d’un individu à gouverner, mais bien ses compétences. Tout ceci grâce aux femmes comme Doriméne qui ont ouvert la voie.C’est pourquoi nous tenions aujourd’hui à les honorer, à travers le rappel de la vie d’une de leurs représentantes.